L’académisme radical ou le monologue sociologique. Avec qui parlent les sociologues ?
pp. 621-651
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, s’est développé en France, avec grand succès, un courant de la sociologie « l’académisme radical ». Il repose sur l’identification du sociologue à une « objectivité » externe à la société (incarnée par l’institution) et conduit à une sorte d’élitisme : seule l’élite des « savants » accède à la lucidité qu’offrent la théorie et les valeurs universelles. Il échappe aux déterminismes sociaux qu’il peut repérer chez les autres. Il est ainsi conduit à monologuer et à ériger son « moi » en point d’articulation de la science et de la politique. Il peut donc « montrer » aux dominés la véritable signification de leur action. Cette position, outre les bénéfices qu’elle permet, rencontre l’expérience sociale « d’intellos-précaires » qui peuvent de la sorte mettre sur un même plan leur « misère » et la « souffrance » des plus démunis et universaliser leurs intérêts. L’académisme radical se prolonge dans une vive hostilité à la démocratie et trouve une forte correspondance dans le mélange d’auto-apitoiement et de distance critique qui caractérise l’idéologie des classes moyennes. Sur le plan politique, il exprime très directement la mainmise de ce²²s classes moyennes sur l’univers revendicatif et leur capacité d’affaiblir les défenses des classes populaires.
Mit Beginn der neunziger Jahre hat sich in Frankreich mit großem Erfolg die soziologische Bewegung des « radikalen Akademismus » entwickelt. Sie begründet sich auf die Identifizierung des Soziologen mit einer externen « Objektivität » zur Gesellschaft (die durch die Institution dargestellt wird) und führt zu einer Art Elitismus : allein die Elite der « Wissenschaftler » hat Zugang zur Erkenntnis, die durch die Theorie und die universellen Werte ermöglicht wird. Die Bewegung entzieht sich den sozialen Determinismen, die sie bei den anderen feststellen kann. Somit führt sie zu einem Monolog und zur Errichtung des « Selbsts » als Artikulationspunkt der Wissenschaft und der Politik. Sie kann damit den Beherrschten die tatsächliche Bedeutung ihrer Aktion « zeigen ». Außer den aus ihr abgeleiteten Vorteilen trifft diese Position auf die soziale Erfahrung von « prekären Intellektuellen », die auf diese Weise ihre « Armut » und das « Leiden » der am meisten bedürftigen auf die gleiche Ebene stellen können und ihre Interesse universal gestalten. Der radikale Akademismus hat seine Verlängerung in einer starken Feindseligkeit gegenüber der Demokratie und findet eine enge Beziehung in der Mischung von Selbstbedauerung und kritischer Distanzierung wie sie die Ideologie der Mittelklassen auszeichnet. Politisch gesehen ist er ein direkter Ausdruck der Beherrschung der Mittelklassen über die allgemeinen Forderungen und ihrer Kapazität, die Verteidigungsmöglichkeiten der unteren Klassen zu schwächen.